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Transformation chimique : second principe

1. Enthalpie libre d'un système chimique

1.a. Potentiel thermodynamique

On considère un système thermodynamique chimique, c'est-à-dire un mélange de plusieurs espèces chimiques (constituants du mélange) et qui peut être le siège de réactions chimiques. Les constituants peuvent aussi subir des changements d'état.

Pour une transformation monobare et monotherme, nous avons démontré que l'enthalpie libre du système G=U+PV-TS constitue un potentiel thermodynamique.

On considère qu'une seule réaction peut se produire dans ce système et on note ξ son avancement. Si on fixe la température et la pression, l'enthalpie libre du système est fonction seulement de l'avancement. Cette fonction est minimale pour l'avancement à l'équilibre. La figure suivante montre l'allure de cette fonction. L'avancement initial est nul et l'avancement à l'équilibre est positif (ce n'est pas toujours le cas).

../../../../figures/sciphys/thermochim/transchimique/minimumG.svgFigure pleine page

On voit ainsi que le second principe nous permet de déterminer l'état d'équilibre chimique : il faut rechercher la valeur de l'avancement qui rend minimale l'enthalpie libre. Pour y parvenir, il faut exprimer l'enthalpie libre du système en fonction de sa composition chimique.

1.b. Potentiel chimique

Pour un corps pur homogène (une seule phase), nous savons que la différentielle de l'énergie interne s'écrit dU=TdS-PdV. Dans ce cas, l'énergie interne est une fonction U(S,V) de deux variables. On appelle constituant d'un mélange une espèce chimiqe dans un état physique donné. Si une même espèce apparaît sous deux phases différentes (par ex. liquide et solide), on compte deux constituants distincts. Pour un mélange, l'énergie interne dépend aussi des nombres de moles des N constituants du mélange :

U(S,V,n1,n2,,nN)(1)

On remarque que toutes les variables de cette fonction sont extensives. Sa différentielle s'écrit :

dU=TdS-PdV+i=1Nμidni(2)

Par définition, μi est le potentiel chimique du constituant i dans le mélange. On en déduit la différentielle de l'enthalpie libre :

dG=-SdT+VdP+i=1Nμidni(3)

Les potentiels chimiques peuvent s'écrire comme des dérivées partielles :

μi=(Gni)T,P,nji(4)

La différentielle ci-dessus permet d'écrire G comme une fonction de T et P et des N nombres de moles :

G(T,P,n1,n2,,nN)(5)

Les deux premières variables sont intensives, alors que les nombres de moles sont extensifs. Si l'on multiplie tous les nombres de moles par un coefficient λ, on a :

G(T,P,λn1,λn2,,λnN)=λG(T,P,n1,n2,,nN)(6)

En dérivant cette équation par rapport à λ, on obtient le résultat important suivant :

L'enthalpie libre du système est la somme des potentiels chimiques multipliés par les nombres de moles :

G=i=1Nniμi(7)

Le potentiel chimique est donc l'enthalpie libre molaire du constituant dans le mélange (le terme exact est enthalpie libre molaire partielle).

On remarque que le potentiel chimique est une variable intensive (énergie molaire). Nous avons donc N+2 variables intensives pour décrire le système : la température, la pression, et les potentiels chimiques.

Le potentiel chimique a une expression générale :

μi(T,P,n1,n2,,nN)=μi0(T)+RTln(ai)(8)

Le premier terme est le potentiel chimique standard, c'est-à-dire le potentiel chimique du constituant pris dans l'état standard. Par définition, le potentiel chimique standard ne dépend que de la température.

La variable intensive et sans dimension notée ai est l'activité du constituant i. Elle dépend en général des nombres de moles des différents constituants du mélange. Pour un système gazeux, elle dépend aussi de la pression.

1.c. Mélanges idéaux

Dans un mélange idéal, l'activité des constituants s'exprime très simplement.

Le premier type de mélange idéal est le mélange idéal de gaz parfaits. Dans ce type de mélange, l'équation d'état du gaz parfait est vérifiée non seulement pour le système dans son ensemble, mais aussi pour chaque constituant gazeux :

PV=nRT=ini RT(9)PiV=niRT(10)

Pi est la pression partielle du constituant i, qui s'écrit aussi :

Pi=ninP=xiP(11)

L'activité du constituant dans le mélange idéal de gaz parfaits est :

ai=PiP0=xiPP0(12)

avec P0=1bar la pression standard. On voit ainsi que le potentiel chimique dépend (de manière linéaire) de la fraction molaire du constituant et de la pression totale du mélange.

Le second type de mélange idéal que nous aurons à utiliser est la solution diluée idéale. Il s'agit en principe d'une solution dont les concentrations sont infiniment petites. On note ci la concentration (en mol/L) du constituant i.

L'activité d'un constituant en solution diluée idéale est :

ai=cic0(13)

c0=1mol⋅L-1 est la concentration standard. En toute rigueur, cette expression n'est utilisable que si la concentration est très faible devant la concentration standard (il s'agit en fait du premier terme d'un développement limité). En pratique, on peut être amené à l'utiliser pour des cencentrations relativement importantes (par exemple 0,1mol⋅L-1), sachant qu'il s'agit alors d'une relation approchée.

Deux cas particuliers sont aussi à considérer :

Pour le solvant ai=1.

Pour un solide ai=1.

Cela signifie que, pour le solvant ou pour un solide, le potentiel chimique est toujours égal au potentiel chimique standard.

2. Enthalpie libre de réaction

2.a. Définition

Considérons un système dans lequel se déroule une seule réaction chimique. Par définition, l'enthalpie libre de la réaction est la dérivée de l'enthalpie libre du système par rapport à l'avancement de la réaction, à pression et à température constantes :

ΔrG=(Gξ)P,T(14)

En reprenant l'expression (3) de la différentielle de G, on a à pression et température constantes :

dG=i=1Nμidni=i=1Nμiνidξ(15)

On en déduit :

ΔrG=i=1Nνiμi(16)

Cette expression correspond à la formule générale définissant une grandeur de réaction, par exemple l'enthalpie standard de réaction. C'est pour cette raison que l'on utilise la notation Δr.

2.b. Évolution d'un système chimique

L'intérêt de cette nouvelle fonction est de donner une formulation de l'équilibre chimique, qui correspond à un minimum du potentiel (on admet que l'enthalpie libre est une fonction de l'avancement dérivable en tout point) :

À l'équilibre chimique ΔrG=0(17)

À température et pression constantes, le second principe nous dit que l'enthalpie libre ne peut que décroître (il suffit en réalité d'être en évolution monobare et monotherme).

Second principe pour une réaction chimique :

ΔrGdξ<0(18)

On dispose donc d'une condition pour exprimer l'équilibre chimique, et d'une condition pour obtenir le sens d'évolution d'un système chimique hors d'équilibre.

2.c. Loi de l'équilibre chimique

Reportons l'expression (8) du potentiel chimique dans la relation (16) :

ΔrG=i=1Nνiμi0+RTi=1Nνiln(ai)(19)

Le premier terme est l'enthalpie libre standard de la réaction. Il ne dépend que de la température :

ΔrG0(T)=i=1Nνiμi0(T)(20)

Le second terme se factorise en remarquant que la somme des logarithmes est égale au logarithme du produit. Cela nous amène à définir le quotient de réaction :

Qr=Πi=1Naiνi(21)

Il s'agit d'un quotient car les produits de la réaction, qui ont un coefficient stœchiométrique positif, sont au numérateur, alors que les réactifs sont au dénominateur.

On considère la réaction en phase gazeuse N2(g)+3H2(g)=2NH3(g) . Écrire le quotient de réaction en fonction des pressions partielles.

Pour les mélanges idéaux de gaz parfaits, le quotient de réaction dépend des fractions molaires et de la pression totale. Pour les solutions diluées idéales, il dépend seulement des concentrations. Dans tous les cas, le quotient de réaction est indépendant de la température.

On obtient finalement l'expression suivante de l'enthalpie libre de réaction :

ΔrG=ΔrG0(T)+RTlnQr(22)

Sachant que l'enthalpie libre de réaction est nulle à l'équilibre, on définit la constante d'équilibre K0(T) par :

0=ΔrG0(T)+RTlnK0(T)(23)

La constante d'équilibre est en fait une fonction de la température, et de la température seulement. On arrive ainsi à :

ΔrG=RTln(QrK0)(24)

Ce résultat très important permet d'exprimer le sens d'évolution d'un système hors d'équilibre et la condition d'équilibre chimique :

  • Si Qr<K0 alors l'évolution se fait dans le sens dξ>0 .
  • Si Qr>K0 alors l'évolution se fait dans le sens dξ<0 .
  • À l'équilibre Qr=K0 .

Écrivons la condition d'équilibre (appelée aussi loi d'action des masses), en mettant explicitement les variables dans le cas d'un mélange idéal de gaz parfaits :

Qr(ξ,P)=K0(T)(25)

Le quotient de réaction dépend de l'avancement et de la pression, alors que la constante d'équilibre ne dépend que de la température. Pour une solution diluée idéale, le quotient de réaction ne dépend que de l'avancement. Pour obtenir l'avancement à l'équilibre, il faut résoudre cette équation.

La figure suivante montre l'aspect de la courbe représentant le quotient de réaction en fonction de l'avancement (à pression constante). Il s'agit d'une fonction croissante. Lorsque la valeur maximale de l'avancement correspond à la disparition complète des réactifs, le quotient tend vers l'infini.

../../../../figures/sciphys/thermochim/transchimique/quotientReaction.svgFigure pleine page

La condition d'équilibre a été établie en supposant que le système subit une transformation monobare et monotherme. Cependant, la condition d'équilibre (25) est valable quelles que soient les conditions de la transformation: il suffit d'utiliser la température et la pression de l'état d'équilibre final (qui ne sont pas toujours connues a priori). On peut l'utiliser aussi pour une transformation adiabatique, mais il faudra alors la compléter par un bilan thermique pour déterminer à la fois la température à l'équilibre et l'avancement à l'équilibre.

2.d. Enthalpie libre standard de réaction

Pour calculer l'enthalpie libre standard de réaction, on remarque que le potentiel chimique standard n'est rien d'autre que l'enthalpie libre molaire du constituant dans son état standard :

ΔrG0=i=1Nνiμi0=i=1NνiGi0=i=1NνiHi0-Ti=1NνiSi0(26)

où l'on a fait apparaître l'entropie molaire standard des constituants. L'entropie standard de réaction est par définition :

ΔrS0=i=1Nνisi0(27)

On a finalement :

ΔrG0=ΔrH0-TΔrS0(28)

En principe l'enthalpie standard et l'entropie standard dépendent de la température. En pratique, il est fréquent de négliger l'influence de la température sur ces fonctions (s'il n'y a pas de changement d'état des constituants dans l'intervalle de température). En revanche, l'enthalpie libre standard dépend beaucoup de la température.

Nous avons vu comment calculer l'enthalpie standard de réaction en utilisant des tables thermodynamiques, ou bien en utilisant la loi de Hess. L'entropie standard de réaction se calcule de la même manière. Les tables contiennent l'entropie molaire absolue (en J/K/mol) à 298K.

Pour la réaction N2(g)+3H2(g)=2NH3(g) , calculer l'enthalpie standard et l'entropie standard de réaction, puis l'enthalpie libre standard de réaction à 298K.

Lorsque la réaction comporte des constituants gazeux, il est possible de prévoir le signe de l'entropie standard de réaction en utilisant la règle suivante :

Si le nombre de moles de gaz augmente dans la réaction, alors ΔrS0>0 . Inversement si le nombre de moles diminue, alors ΔrS0<0 . Si le nombre de moles de gaz reste constant, on ne peut rien dire sur le signe, mais sa valeur absolue sera relativement faible.

La constante d'équilibre se calcule à partir de l'enthalpie libre standard de réaction :

K0(T)=exp(-ΔrG0(T)RT)(29)

Pour faire ce calcul, il faut penser à exprimer l'enthalpie libre standard en J/mol, et à diviser par R=8,31J⋅K-1⋅mol-1 multiplié par la température en Kelvin.

Calculer la constante d'équilibre de la réaction N2(g)+3H2(g)=2NH3(g) à 298K.
Une réaction est dite thermodynamiquement favorable si sa constante d'équilibre est supérieure à un, c'est-à-dire si l'enthalpie libre standard de réaction est négative.

D'après la relation (28), un facteur énergétique et un facteur entropique vont dans le sens d'une réaction thermodynamiquement favorable :

  • Une enthalpie standard de réaction négative (réaction exothermique) favorise la réaction.
  • Une entropie standard de réaction positive favorise la réaction.

L'augmentation de la température donne une importance plus grande au facteur entropique. Une réaction exothermique est le plus souvent favorable à basse température mais peut devenir défavorable à haute température si l'entropie standard de réaction est négative. Une réaction endothermique est le plus souvent défavorable à basse température mais peut devenir favorable à haute température si l'entropie standard de réaction est positive.

2.e. Influence de la température

Voyons tout d'abord l'influence de la température sur l'enthalpie libre de réaction :

ΔrG0=ΔrH0-TΔrS0(30)

On considère que l'enthalpie et l'entropie standard de réaction ne dépendent pratiquement pas de T. On voit alors que l'enthalpie libre standard est une fonction croissante ou décroissante de T suivant le signe de l'entropie standard. Si celle-ci est positive, l'enthalpie libre standard diminue lorsque T augmente. Cela signifie qu'une élévation de température peut éventuellement rendre l'enthalpie libre standard négative, et donc rendre la réaction favorable si elle ne l'est pas à basse température.

Pour voir l'influence sur la constante d'équilibre, on écrit son logarithme :

lnK0=-ΔrG0RT=ΔrS0R-ΔrH0RT(31)

En dérivant par rapport à T, on obtient la relation de Van't Hoff (chimiste néerlandais 1852-1911) :

dlnK0dT=Δr H0RT2(32)

On a établi la relation en supposant que l'enthalpie et l'entropie sont indépendantes de la température, mais la relation de Van't Hoff est exacte dans le cas général.

Cette relation montre que si la réaction est exothermique alors la constante d'équilibre est une fonction décroissante de la température. Il est donc préférable de réaliser les réactions industrielles exothermiques à basse température. Il s'agit d'une condition thermodynamique, car d'un point de vue cinétique il y a toujours avantage à augmenter la température. On remarque aussi que si la réaction exothermique se réalise en condition adiabatique (ou quasi adiabatique), la température augmente, ce qui tend à réduire la constante d'équilibre. Si la réaction est endothermique, sa réalisation en condition adiabatique réduit aussi la constante d'équilibre.

En reprenant la condition d'équilibre, on voit que si la réaction est exothermique alors une élévation de température réduit l'avancement. Plus généralement, une élévation de température déplace l'équilibre dans le sens endothermique.

La relation de Van't Hoff peut être utilisée pour déterminer expérimentalement une enthalpie standard de réaction. Pour cela, on mesure la constante d'équilibre à différentes températures et on trace son logarithme en fonction de l'inverse de la température. Par exemple pour une réaction exothermique, on obtient :

../../../../figures/sciphys/thermochim/transchimique/vantHoff.svgFigure pleine page

Inversement, si l'enthalpie standard de réaction est connue, on peut déterminer la constante d'équilibre à une température différente de celle des tables :

lnK0(T)=lnK0(T0)+Δr H0R(1T0-1T)(33)

Une augmentation de la constante d'équilibre a pour conséquence une augmentation de l'avancement, car le quotient de réaction est une fonction croissante de l'avancement. Ce résultat peut être retrouvé par un raisonnement consistant à partir d'un système à l'équilibre (ΔrG=0 ) et à le perturber en faisant varier la température (et seulement elle). Supposons que la réaction soit exothermique : une augmentation de la température provoque une diminution de la constante d'équilibre. D'après la relation (24), l'enthalpie libre de réaction augmente donc elle devient positive. Le système est alors hors d'équilibre et retourne à un nouvel état d'équilibre dans le sens dξ<0 , ce qui prouve qu'une augmentation de la température réduit l'avancement d'une réaction exothermique. On peut aussi dire qu'une augmentation de température déplace l'équilibre dans le sens endothermique. De même, une réduction de température déplace l'équilibre dans le sens exothermique. Dans les deux cas, le déplacement de l'équilibre se fait dans le sens qui tend à réduire la variation de température imposée (si la transformation était adiabatique).

3. Applications

3.a. Synthèse de l'ammoniac

Introduction

L'ammoniac NH3 est principalement utilisé pour fabriquer des engrais. La synthèse industrielle de l'ammoniac se fait à partir de diazote et de dihydrogène selon la réaction :

N2(g)+3H2(g)=2NH3(g)(34)

Les grandeurs de réaction à 298 K sont :

ΔrH0=-92,2kJmol-1(35)ΔrS0=-201JK-1mol-1(36)ΔrG0(298)=-32,3kJmol-1(37)K0(298)=4,6105(38)

Il s'agit donc d'une réaction exothermique, dont la constante d'équilibre augmente si on abaisse la température. Elle est thermodynamiquement très favorable à température ambiante. Elle est cependant trop lente pour être réalisée à cette température. Pour l'accélérer, il est nécessaire de chauffer à environ 400 degrés celsius et d'utiliser un catalyseur.

Condition d'équilibre

On envisage une transformation pour laquelle l'état initial est constitué de 1 mole de N2 pour n moles de H2, sans ammoniac. Les proportions stœchiométriques sont obtenues pour n=3. La variable n doit être vue comme une variable intensive, donnant la quantité initiale de dihydrogène par rapport à celle d'azote. On fait un tableau pour reporter les différents nombres de moles en fonction de l'avancement. Il faut aussi exprimer le nombre de moles total de gaz.

N2(g)3H2(g)2NH3(g)ng1n01+n1-ξn-3ξ2ξ1+n-2ξ

L'avancement maximal est déterminé par le réactif en défaut. Si n3 le diazote est en défaut et l'avancement maximal est 1.

En utilisant les activités d'un mélange idéal de gaz parfaits, on obtient l'équation d'équilibre :

(2ξ)2(1+n-2ξ)2P02(n-3ξ)3(1-ξ)P2=K0(T)(39)

On rappelle que le quotient de réaction est une fonction croissante de l'avancement. Pour voir l'influence de la pression, on l'écrit sous la forme suivante :

(2ξ)2(1+n-2ξ)2(n-3ξ)3(1-ξ)=K0(T)P2P02(40)

Le terme de gauche f(ξ,n) est une fonction croissante de l'avancement. En en déduit que l'avancement est d'autant plus grand que la pression est élevée et que la température est basse (il s'agit de la pression et de la température à l'état final).

Ce résultat peut être retrouvé sans savoir a priori le sens de variation du quotient de réaction, par le raisonnement suivant. Le système étant initialement à l'équilibre (ΔrG=0 ), considérons une augmentation de P alors que toutes les autres variables restent constantes. Le quotient de réaction diminue donc, d'après la relation (24), ΔrG=0 devient négatif. Le système est alors hors d'équilibre et retourne à l'équilibre en évolulant dans le sens dξ>0 , ce qui prouve que l'avancement augmente suite à une augmentation de pression.

Le système à l'équilibre est défini par des variables intensives : T, P, fractions molaires x(N2), x(H2), x(NH3).

La variance est le nombre de variables intensives qu'il faut fixer pour déterminer les valeurs de toutes les variables intensives à l'équilibre.

La variance est donc le nombre de degrés de liberté intensifs du système à l'équilibre. Dans le cas présent, les 5 variables intensives sont liées par les deux équations suivantes :

x(N2)+x(H2)+x(NH3)=1x(NH3)2x(N2)x(H2)3(P0P)2=K0(T)

En conséquence, il suffit de fixer 3 variables intensives (par exemple T, P et x(H2)) pour que les deux autres soient déterminées par ces deux équations. La variance de ce système à l'équilibre est donc 3.

Réaction à pression et température constantes

Supposons que la réaction se fasse avec un thermostat de température T=298K et une pression constante P=1bar. On prend des proportions initiales stœchiométriques, c'est-à-dire n=3. La valeur élevée du terme de droite dans l'équation d'équilibre (40) permet de prévoir une valeur de l'avancement très proche du maximum, soit ξ=1 . Pour le vérifier, nous allons faire une résolution graphique de cette équation, qui sera utile lorsque le terme de droite sera plus faible. Pour cela, on trace l'enhalpie libre de réaction en fonction de l'avancement :

import math
import numpy
from  matplotlib.pyplot import *
K0=4.6e5
P=1.0
n=3.0
def f(x):
    return numpy.log((2*x)**2*(1.0+n-2*x)**2)-numpy.log(K0*P**2*numpy.power(n-3*x,3)*(1-x))
                    
x = numpy.arange(0,1.0,0.001)
y = f(x)
figure()
plot(x,y)
xlabel(r'$\xi\ (\rm mol)$')
ylabel(r'$\Delta_rG\ (\rm kJ\cdot mol^{-1})$')
grid()
ylim(-30,30)
                    
figA.svgFigure pleine page
xlim(0.95,1)
ylim(-10,10)
                    
figA1.svgFigure pleine page

On obtient un avancement à l'équilibre ξ=0,97 (au centième près), ce qui est proche du maximum. On peut donc considérer que la transformation est totale.

Considérons à présent les conditions industrielles : P=100bar et T=700K.

ΔrG0(700)=48,5kJmol-1(41)K0(700)=2,410-4(42)K0P2P02=2,4(43)

La température est augmentée pour des raisons cinétiques (il y a aussi un catalyseur). À cette température, la réaction est très défavorable mais l'augmentation de pression permet d'augmenter l'avancement. Voici la résolution graphique :

K0=2.4e-4
P=100.0
x = numpy.arange(0,1,0.001)
y = f(x)
figure()
plot(x,y)
xlabel('x')
ylabel('f')
xlabel(r'$\xi\ (\rm mol)$')
ylabel(r'$\Delta_rG\ (\rm kJ\cdot mol^{-1})$')
grid()
ylim(-30,30)
                      
figB.svgFigure pleine page

On obtient ξ=0,42. Voyons comment évolue l'avancement lorsqu'on utilise un large excès de dihydrogène :

K0=2.4e-4
P=100.0
n=10.0
x = numpy.arange(0,1,0.001)
y = f(x)
figure()
plot(x,y)
xlabel('x')
ylabel('f')
xlabel(r'$\xi\ (\rm mol)$')
ylabel(r'$\Delta_rG\ (\rm kJ\cdot mol^{-1})$')
grid()
ylim(-30,30)
                      
figC.svgFigure pleine page

L'avancement est ξ=0,79. Il semble donc qu'un excès de dihydrogène augmente l'avancement. Pour le démontrer, reprenons l'équation (40). On considère alors une augmentation de n, les autres paramètres (ξ,P,T) restant constants. Pour voir la variation du membre de gauche f(ξ,n) de l'équation, on calcule la dérivée de son logarithme :

lnfn=21+n-2ξ-3n-3ξ=-n-3(1+n-2ξ)(n-3ξ)(44)

Le dénominateur est positif car les nombres de moles sont positifs. Le numérateur est négatif. On en déduit que le membre de gauche f(ξ,n) diminue. Comme c'est une fonction croissante de l'avancement, l'équilibre est déplacé dans le sens positif, c'est-à-dire que l'avancement augmente.

3.b. Dissociation d'un acide en solution aqueuse

Généralités

On considère un acide faible qui se dissocie dans l'eau selon la réaction :

AH(aq)+H2O=A-(aq)+H3O+(aq)(45)

On note [X] la concentration d'une espèce en solution, exprimée en mol/L. Si l'on utilise le modèle des solutions infiniment diluées, l'activité d'un soluté (grandeur sans dimension) est numériquement égale à cette concentration. La condition d'équilibre s'écrit donc :

[A-][H3O+][AH]=KA(T)(46)

La constante d'équilibre est appelée constante d'acidité.

Soit CA la molarité de la solution, c'est-à-dire le nombre de moles d'acide par litre d'eau utilisées pour préparer la solution :

CA=[AH]+[A-](47)

Les ions oxonium proviennent aussi de la réaction d'autoprotolyse de l'eau :

2H2O=H3O++OH-(48)

Dont la constante d'équilibre à 298K est Ke=10-14.

Cependant, si la concentration en acide n'est pas très faible, les ions oxonium proviennent principalement de la réaction (45). On peut donc écrire le tableau d'avancement suivant, où sont reportés des nombres de moles correspondant à un litre de solution :

AH(aq)A-H3O+CA-hhh

On obtient finalement l'équation :

h2CA-h=KA(T)(49)

Il faut résoudre une équation du second degré. On peut néanmoins la simplifier si l'on suppose que l'acide est très faiblement dissocié :

h2CA=KA(50)

Une fois h calculée, il faut bien sûr vérifier qu'il est très petit devant CA.

En reprenant l'équation plus générale (49), on peut déterminer l'influence de CA de la manière suivante. Considérons une augmentation de CA (obtenue en ajoutant de l'acide pur à la solution), les autres paramètres (h,T) restant constants. Le quotient de réaction diminue, ce qui met le système hors d'équilibre (l'enthalpie libre de réaction devient négative). Le retour à l'équilibre se fait par augmentation de h, car le quotient de réaction est une fonction croissante de h. Une augmentation de la molarité de l'acide augmente donc le pH de la solution.

On peut aussi s'intéresser au taux de dissociation de l'acide, défini par :

α=hCa(51)

Le taux de dissociation est déterminé avec l'équation :

CAα1-α=KA(T)(52)

On faisant le même raisonnement que plus haut, on en déduit qu'une augmentation de CA conduit à une diminuation du taux de dissociation. Lorsque la concentration est très faible, un acide faible peut avoir un taux de dissociation proche de 1.

Diagramme log(C)-pH

Avec les équations (49) et (47), on peut exprimer les concentrations de l'acide et de sa base conjuguée en fonction de h :

[AH]=CAhKA+h(53)[A-]=CAKAKA+h(54)

Si pH<pKA-1 alors hKA et l'on obtient les formes asymptotiques suivantes :

log([AH])=log(CA)(55)log([A-])=log(CA)-pKA+pH(56)

Si pH>pKA+1 alors hKA et l'on obtient les formes asymptotiques suivantes :

log([AH])=log(CA)+pKA-pH(57)p([A-])=log(CA)(58)

On a aussi :

log([H+])=-pH(59)log([OH-])=-14+pH(60)

Les logarithmes des concentrations sont tracés en fonction du pH :

figure()
CA=1.0e-2
pKA=4.7
Ka=10**(-pKA)
pH = numpy.linspace(0,14,100)
h = numpy.power(10,-pH)
log_C_base = numpy.log10(CA*Ka/(Ka+h))
log_C_acide = numpy.log10(CA*h/(Ka+h))
plot(pH,log_C_acide,"b",label=r"$AH$")
plot(pH,log_C_base,"r",label=r"$A^-$")
plot(pH,-pH,"b--",label=r"$H^+$")
plot(pH,-14+pH,"r--",label=r"$OH^-$")
axis([0,14,-10,2])
xlabel("pH")
ylabel("log(C)")
grid()
legend(loc="upper right")
                    
figD.svgFigure pleine page

Acide éthanoïque

Considérons comme exemple l'acide CH3COOH . Pour utiliser la table thermodynamique, on écrit la réaction sous la forme :

CH3COOH(aq)=CH3COO-(aq)+H+(aq)(61)

On obtient les grandeurs de réaction à 298 K :

ΔrH0=-0,25kJmol-1(62)ΔrS0=-92JK-1mol-1(63)ΔrG0(298)=27,2kJmol-1(64)KA(298)=1,710-5(65)

La réaction est très faiblement exothermique, donc l'influence de la température est très faible. La constante d'équilibre est très faible, ce qui rend raisonnable l'hypothèse d'une faible dissociation de l'acide. Pour CA=0,010mol⋅L-1, on obtient :

[H3O+]=h=4,110-4molL-1(66)

On a donc pH=3,4 et la dissociation de l'acide est bien très faible. La valeur du pH peut être obtenue directement par lecture du diagramme log(C)-pH.

3.c. Formation d'un hydroxyde métallique

On considère la formation d'un hydroxyde métallique en solution aqueuse, par exemple :

Fe2+(aq)+2OH-(aq)=Fe(HO)2(s)(67)

L'hydroxyde de fer étant très peu soluble, on considère qu'il est entièrement sous forme solide. On donne le produit de solubilité sous la forme pKs=15. Le quotient de réaction s'écrit :

Qr=1[Fe2+][OH-]2(68)

car l'activité du solide est égale à 1. La constante d'équilibre est :

K0=1Ks=10pKs=1015(69)

L'enthalpie libre de réaction s'écrit :

ΔrG=ln(Ks[Fe2+][OH-]2)(70)

Si l'enthalpie libre de réaction est positive, on est hors d'équilibre et il n'y a pas d'hydroxyde ferreux (dξ<0). La condition s'écrit :

[Fe2+][OH-]2<Ks(71)

Supposons que la concentration en ion ferreux soit connue, par exemple [Fe2+]=c1=0,010molL-1 . La condition précédente s'écrit :

[OH-]<Ksc1(72)

On obtient la condition pH<7,5. Si pH>7,5, l'équilibre est réalisé et on a donc :

[Fe2+][OH-]2=Ks(73)

Dans ce cas, la donnée de la température et du pH détermine l'état d'équilibre. Si le pH augmente, la concentration en ions OH- augmente et donc celle en ions ferreux diminue, ce qui signifie qu'il y a de plus en plus de précipité d'hydroxyde ferreux.

Il est intéressant de tracer le logarithme de la concentration en ions ferreux en fonction du pH :

log([Fe2+])=-pKs+2pKe-2pH(74)
figure()
c1=1.0e-2
pc1=-numpy.log10(c1)
pKs=15
pKe=14
plot([0,7.5],[-pc1,-pc1],"b")
plot([7.5,14],[-pc1,-pKs+2*pKe-2*14],"b",label="$Fe^{2+}$")
axis([0,14,-10,0])
xlabel("pH")
ylabel("log(C)")
legend(loc="upper right")
grid()
                    
figE.svgFigure pleine page

Pour pH>8,5, la concentration en ions ferreux est négligeable (par rapport à sa concentration initiale) : on est donc dans le domaine de prédominance de l'hydroxyde ferreux.

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