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Systèmes ouverts en régime stationnaire

1. Machine à écoulement stationnaire

1.a. Machine à vapeur

Les machines à vapeur d'eau sont utilisées dans les centrales électriques pour convertir l'énergie thermique fournie par un réacteur (nucléaire ou autre) en énergie électrique. Le fluide est de l'eau passant alternativement de l'état liquide à l'état gazeux et traversant différents organes en circuit fermé : la chaudière, la turbine, le condenseur et la pompe.

../../../../figures/sciphys/thermo/sysouverts/machineVapeur.svgFigure pleine page

1.b. Turbine à vapeur

La turbine à vapeur, un des éléments de la machine à vapeur, est un organe qui permet de convertir l'énergie emmagasinée dans une vapeur d'eau chaude à haute pression, en énergie cinétique de rotation. Dans une centrale électrique, la turbine à vapeur entraîne un alternateur, qui convertit l'énergie mécanique en énergie électrique.

Schématiquement, une turbine à vapeur est constituée d'aubages fixes, qui servent à canaliser la vapeur et à augmenter son énergie cinétique, et d'aubages mobiles solidaires du rotor, qui convertissent l'énergie cinétique de la vapeur en énergie de rotation du rotor.

../../../../figures/sciphys/thermo/sysouverts/turbine.svgFigure pleine page

Globalement, la vapeur chaude à haute pression qui entre dans la turbine (typiquement une centaine de bar) subit une détente en fournissant un travail aux parties mobiles (les aubages mobiles), et ressort de la turbine refroidie et à faible pression (moins de 1 bar). Le fluide fournit donc un travail au rotor (il reçoit un travail négatif).

1.c. Échangeur thermique

L'échangeur thermique se rencontre dans de nombreuses machines thermiques. Par exemple, dans une machine à vapeur, il permet à la vapeur sortant de la turbine de se condenser en cédant de l'énergie, sous forme thermique, à un fluide plus froid (provenant d'une réserve d'eau).

Dans l'échangeur, le fluide reçoit de l'énergie de l'autre fluide sous forme de transfert thermique. La surface d'échange entre les deux fluides doit être la plus grande possible, pour obtenir un flux thermique élevé. Dans un échangeur thermique à tubes et calandres (figure ci-dessous), un des fluides circule dans un réseau de tubes qui traversent un cylindre (la calandre) dans lequel l'autre fluide circule. L'emploi de nombreux tubes de petit diamètre permet d'avoir une grande surface d'échange thermique.

../../../../figures/sciphys/thermo/sysouverts/echangeur-tubes.svgFigure pleine page

2. Système ouvert en régime stationnaire

2.a. Conservation de la masse

Les organes précédentes (et d'autres comme les compresseurs rotatifs, les turbines à gaz, etc.), peuvent toutes se traiter de la même manière. Dans tous les cas, l'organe reçoit un fluide en entrée, qu'il transforme avant de l'évacuer en sortie. Il y a donc un écoulement de fluide qui traverse l'organe. En conséquence, le fluide contenu dans l'organe constitue un système ouvert, et on ne peut donc pas lui appliquer directement les principes de la thermodynamique.

L'écoulement du fluide à travers l'organe est supposé stationnaire, ce qui signifie que la vitesse du fluide est constante et que les grandeurs thermodynamiques en entrée et en sortie du fluide sont constantes. Bien entendu, le fluide n'est pas à l'équilibre à l'intérieur de l'organe, puisqu'il subit une transformation.

Pour traiter un système à écoulement stationnaire, on commence par définir une face d'entrée et une face de sortie virtuelles, situées assez loin du cœur de l'organe pour que la pression et la température du fluide puisse être considérées comme uniformes en amont de la face d'entrée et en aval de la face de sortie. On suppose que la vitesse du fluide sur ces faces est uniforme sur toute la section du conduit (écoulement unidimensionnel). On note c1 la vitesse du fluide sur la face d'entrée et c2 celle sur la face de sortie.

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L'écoulement est supposé être en régime stationnaire et on suit l'évolution du système pendant une durée dt. Soit δm la masse de fluide qui entre dans la machine par la face d'entrée pendant cette durée. Cette masse occupe un volume δV1=δmv1, où v1 est le volume massique du fluide en entrée. En régime d'écoulement stationnaire, il sort de la machine la même masse δm de fluide pendant cet intervalle de temps, car la masse de fluide dans la machine reste constante. Bien sûr, il ne s'agit pas des mêmes molécules de matière. Cette masse occupe en sortie le volume δV2=δmv2. Ce volume est en général différent du volume d'entrée car la température et la pression sont différentes. On définit le débit massique par :

dm=δmdt(1)

En régime stationnaire le débit massique est le même en entrée et en sortie de la machine, et reste constant au cours du temps.

2.b. Système fermé à frontières mobiles

Pour appliquer les principes de la thermodynamique, il faut se ramener à un système fermé. On considère pour cela deux instants infiniment proches ti et tf=ti+dt. À l'instant initial, le système considéré est constitué de la masse δm en entrée (qui va entrer dans l'organe pendant la durée dt) et du fluide situé dans l'organe. À l'instant final, le système est constitué du fluide situé dans l'organe et de la masse δm sortie de l'organe pendant la durée dt. La figure suivante montre la frontière du système pour ces deux instants.

../../../../figures/sciphys/thermo/sysouverts/systemeEcoulement.svgFigure pleine page

Le système ainsi délimité comporte une frontière mobile en entrée et une autre en sortie. La frontière en entrée se déplace à la vitesse c1, celle de la sortie à la vitesse c2 (ces vitesses sont constantes en régime stationnaire). Le déplacement de la frontière en entrée est dX1=c1dt. De même en sortie dX2=c2dt. Il s'agit bien d'un système fermé puisque, par définition, aucune matière ne traverse sa frontière.

2.c. Bilan d'enthalpie

Appliquons le premier principe au système fermé ainsi défini :

dU+dEc+dEp=δW1+δW2+δWu+δQ(2) Uf-Ui+Ecf-Eci+Epf-Epi=W1+W2+Wu+Q (3)

Les différents échanges d'énergie avec l'extérieur sont :

  • La travail utile δWu reçu par le fluide à l'intérieur de la machine de la part des parties mobiles de celle-ci (par exemple dans une turbine ce travail est négatif).
  • Le transfert thermique δQ reçu par le fluide dans la machine (par exemple dans un échangeur thermique).
  • Le travail des forces de pression en entrée δW1.
  • Le travail des forces de pression en sortie δW2.

Remarque : le travail δWu est qualifié d'utile pour le discerner du travail des forces de pression en entrée et en sortie. Le transfert thermique est lui aussi très souvent un transfert utile, par exemple dans les échangeurs thermiques.

L'énergie potentielle Ep est celle des forces extérieures conservatives. Lorsque la conduite n'est pas horizontale, on introduit ici l'énergie potentielle de pesanteur pour prendre en compte le travail des forces de pesanteur.

Pour calculer le travail des forces de pression en entrée, il suffit de remarquer qu'une force constante F1=P1A1 (A1 est l'aire de la section du tube) agit sur la frontière mobile. Le travail est donc :

δW1=P1A1dX1=P1δV1=P1δmv1(4)

Le volume \delta V1 est le volume balayé par la frontière mobile en entrée. Sur la frontière mobile en sortie, le travail est :

δW2=-P2A2dX2=-P2δV2=-P2δmv2(5)

En régime stationnaire, l'énergie interne et l'énergie cinétique du fluide situé dans l'organe ne changent pas. On a donc :

dU=Uf-Ui=δmu2-δmu1(6)

où l'on a introduit les énergies internes massiques en entrée et en sortie. De même, la variation d'énergie cinétique s'écrit :

dEc=Ecf-Eci=12δmc22-12δmc12(7)

Si z1 et z2 sont les hauteurs de l'entrée et de la sortie, la variation d'énergie potentielle de pesanteur s'écrit :

dEp=Epf-Epi=δmg(z2-z1)(8)

Pour obtenir un bilan par unité de masse, on définit le travail utile massique wu et le transfert thermique massique q. Le premier principe s'écrit alors (en divisant par δm) :

u2-u1+12c22-12c12+g(z2-z1)=P1v1-P2v2+wu+q(9)

En utilisant l'enthalpie massique et l'énergie cinétique massique, on obtient :

Δh+Δec+gΔz=wu+q(10)

On obtient ainsi une formulation du premier principe pour un système ouvert en régime d'écoulement stationnaire. Les transferts utiles apparaissent explicitement dans ce bilan. Le travail des forces de pression en entrée et en sortie est pris en compte dans l'enthalpie.

Dans la plupart des organes de machine, les variations d'énergie potentielle et d'énergie cinétique sont négligées. Une exception est le réacteur d'avion, dans lequel l'énergie cinétique du gaz à la sortie du réacteur ne peut être négligée, puisqu'elle est à l'origine de la force de poussée du réacteur.

Voyons par exemple le bilan d'enthalpie dans une turbine. On considère généralement que les échanges thermiques avec l'extérieur sont négligeables et que la variation d'énergie cinétique est négligeable (par rapport à la variation d'enthalpie). On a donc :

Δh=wu(11)

Pour un échangeur thermique, on néglige la variation d'énergie cinétique :

Δh=q(12)

On obtient dans ce cas le même résultat que pour une transformation monobare d'un système fermé. Cependant, ce résultat est valable même si la pression d'entrée est différente de la pression de sortie.

2.d. Bilan d'entropie

Pour appliquer le second principe, on remarque qu'il n'y pas d'entropie échangée par les frontières mobiles, puisqu'il n'y a pas d'échanges thermiques. L'échange d'entropie peut en revanche avoir lieu aux frontières de l'organe où le transfert thermique q se fait. Le second principe s'écrit :

Δs=sc+se(13)

La plupart des organes sont en réalité irréversibles (sc > 0). Néanmoins, il est fréquent de supposer qu'un organe fonctionne de manière réversible, afin de faciliter la modélisation. Pour modéliser l'irréversibilité, il faudrait considérer en détail le fonctionnement interne de l'organe, ce qui est en général infaisable. On peut néanmoins attribuer un certain pourcentage d'irréversibilité, en utilisant des données empiriques.

3. Étude d'une machine à vapeur

Les machines à vapeur d'eau sont utilisées dans les centrales électriques pour convertir l'énergie dégagée par le réacteur en énergie mécanique, laquelle est convertie en énergie électrique au moyen d'un alternateur.

Dans sa forme la plus simple, une machine à vapeur comporte :

../../../../figures/sciphys/thermo/sysouverts/machineVapeur-2.svgFigure pleine page

Sur le schéma, les transferts d'énergie sont définis pour être positifs, soit dirigés vers le fluide, soit au contraire dirigés vers l'extérieur. Les quatre organes de cette machine sont des systèmes ouverts.

En supposant seulement que les transformations dans la turbine et la pompe sont adiabatiques, et que la machine est en régime stationnaire, le premier principe s'écrit :

h2-h1=qc(14)h3-h2=-wt(15)h4-h3=-qf(16)h1-h4=wp(17)

L'efficacité de la machine est :

η=wt-wpqc(18)

Pour avancer dans la modélisation, afin de calculer les enthalpies massiques, il faut faire des hypothèses supplémentaires :

Nous allons effectuer les calculs en utilisant des données réelles sur l'eau. Le tableau ci-dessous donne, pour deux pressions différentes, la température de vaporisation correspondante, les volumes massique du liquide et de la vapeur saturants, les enthalpies massiques du liquide et de la vapeur saturants, les entropies massiques du liquide et de la vapeur saturants.

Eau saturée
P (bar)T ( C)vl (m3.kg-1)vg (m3.kg-1)hl (kJ.kg-1)hg (kJ.kg-1)sl (kJ.K-1.kg-1)sg (kJ.K-1.kg-1)
0.0841.510.001008418.103173.8825770.59268.2287
80295.10.00138420.023521316.627583.20685.7432

Pour l'entrée de la turbine (état 2), on obtient en consultant la table de vapeur saturante (avec un arrondi à 3 chiffres) :

h2=2760 kJkg-1(19)s2=5,74kJK-1kg-1(20)

La transformation dans la turbine étant adiabatique réversible, elle est isentropique donc s3=s2. La pression est P3=0,080bar, à laquelle l'entropie de la vapeur saturante est sg=8,23kJ⋅K-1⋅kg-1. Cela montre que l'eau s'est partiellement condensée dans la turbine. La fraction de vapeur est calculée en écrivant :

s3=(1-x3)sl(0,08)+x3sg(0,08)(21)

sl(0,08) est l'entropie du liquide saturant et sg(0,08) celle de la vapeur saturante à la pression de 0,08bar. On obtient ainsi :

x3=0,674(22)h3=(1-x3)hl(0,08)+x3hg(0,08)=1790kJkg-1(23)wt=h2-h3=960kJkg-1(24)

L'enthalpie à la sortie du condenseur est celle du liquide saturant à 0,080bar, soit :

h4=174kJkg-1(25)

La pompe comprime l'eau liquide pour l'amener à la pression de 80bar. Sachant que la transformation dans la pompe est isentropique, on peut écrire du=Tds-Pdv=-Pdv, ce qui donne dh=vdp. Le liquide étant très peu compressible, son volume est supposé constant, ce qui donne :

v1=v4=1,0110-3m3kg-1(26)wp=v4(P1-P4)=8,08kJkg-1(27)h1=h4+wp=182kJkg-1(28)

Dans le générateur de vapeur, l'eau est tout d'abord chauffée jusqu'au point d'ébullition, où son enthalpie est hl(80)=1320kJ⋅kg-1 (point 1a), puis entièrement vaporisée, ce qui amène son enthalpie à h2=2760kJ⋅kg-1. On en déduit la chaleur massique prélevée à la source chaude :

qc=h2-h1=2580kJkg-1(29)

On obtient finalement l'efficacité :

η=960-82580=0,37(30)

Voici le cycle sur un diagramme pression-enthalpie :

diagramme-PH-H2O-rankine.svgFigure pleine page

Ce diagramme est très utile pour ce type de machine car on peut lire directement les variations d'enthalpie pour les différentes étapes, qui correpondent aux différents échanges d'énergie (travail ou thermique) avec l'extérieur.

Pour placer le cycle sur un diagramme de Clapeyron, il faut calculer les volumes massiques :

v1=v4=1,0110-3m3kg-1(31)v2=vg(80)=0,023m3kg-1(32)v3=(1-x3)vl(0,08)+x3vg(0,08)=12,2m3kg-1(33) diagramme-PV-H2O-rankine.svgFigure pleine page

Pour une étape du cycle, par exemple l'étape 3-4, l'intégrale -Pdv (dont la valeur absolue est l'aire sous la courbe) représente le travail reçu par le fluide, positif si le volume diminue. Il s'agit du travail total, travail des forces de pression en entrée et en sortie et travail utile. Dans les échangeurs, il y a un travail des forces de pression puisque le volume varie à pression constante. Il s'agit du travail de la pression en entrée et en sortie de ces éléments car le travail utile est nul dans les échangeurs. D'une manière générale, le travail utile ne peut être lu directement pour chaque étape du cycle. En revanche, l'aire délimitée par le cycle correspond bien au travail utile total (ici wp-wt), car la somme des travaux non utiles est nulle sur le cycle complet.

L'échelle de volume étant logarithmique, la fraction de vapeur de l'état 3 ne peut être lue directement sur la figure (par la règle des moments).

Pour tracer le cycle sur un diagramme température-entropie, il faut connaître la température à la sortie de la pompe. La compression est adiabatique, donc la température augmente. La température en sortie peut être calculée si l'on connaît les propriétés du liquide dans cette zone. L'augmentation de température est très faible : T1=41,8 C.

diagramme-TS-H2O-rankine.svgFigure pleine page

Sur ce diagramme, on voit bien le caractère isentropique de la détente dans la turbine. La compression isentropique dans la pompe (4-1) est trop étroite pour être visible (l'augmentation de température est infime).

Il peut être intéressant de comparer l'efficacité obtenue pour ce cycle à celle d'une machine complètement réversible. Dans notre modèle, seules les transformations dans les échangeurs peuvent être irréversibles. Pour utiliser le théorème de Carnot, il faut qu'il y ait une source chaude et une source froide identifiables, dont les températures soient connues. On peut supposer que la source froide est de l'eau à 25 C, soit 298K. C'est une approximation car en réalité la température du liquide de refroidissement dans le condenseur n'est pas constante. Pour la source chaude (la chaudière), la situation est beaucoup plus complexe car d'une part la température de la source n'est pas constante le long du circuit du générateur, d'autre part la température n'est pas connue avec précision. On peut néanmoins modéliser la chaudière par une source de température d'environ 500 C, soit 773K. Le théorème de Carnot donne alors le rendement maximal :

ηmax=1-298773=0,61(34)

Ce rendement maximal est bien supérieur au rendement réel, ce qui n'est pas surprenant vu les différences de température importantes entre le fluide et les sources au niveau des échangeurs.

D'une manière générale, les compressions et les détentes peuvent souvent être à peu près représentées par des transformations réversibles, mais les échanges thermiques sont au contraire fortement irréversibles. Cela est dû au fait que les échanges thermiques dans un échangeur sont par nature très lents. Pour obtenir un échange thermique suffisant avec un débit important, il faut un grand écart de température entre le fluide et la source. C'est la principale cause d'irréversibilité dans la machine à vapeur.

Remarque : en toute rigueur, la température du fluide n'est pas définie au cours des échanges thermiques irréversibles 1-2 et 3-4. On peut néanmoins faire une hypothèse de réversibilité interne pour ces étapes, ce qui revient à considérer que l'irréversibilité est localisée au niveau des parois du conduit qui traverse l'échangeur. Cette hypothèse n'est pas nécessaire pour faires les calculs ci-dessus, mais elle permet de justifier le tracé de courbes continues dans les parties irréversibles du diagramme.

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