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Référentiels non galiléens

1. Postulats de la mécanique classique

1.a. Principe d'inertie et référentiels galiléens

Principe d'inertie (ou première loi de Newton) : un point matériel isolé de toute action extérieure est soit au repos, soit en mouvement rectiligne uniforme.

Le principe d'inertie ne peut être vrai dans tout référentiel. Considérons en effet un point matériel isolé, dans un référentiel R dans lequel le principe d'inertie est vérifié. Son accélération est nulle dans ce référentiel. Soit R' un autre référentiel, en mouvement de translation ou bien de rotation uniforme par rapport à R. L'accélération du point matériel isolé s'écrit dans ce référentiel :

aM/R'=ae+2ΩR/R'vM/R+0 (1)

Pour que le principe d'inertie soit valable aussi dans R', il faut que l'accélération d'entraînement soit nulle quelque soit la position du point matériel. La seule possibilité est que R' soit en mouvement de translation rectiligne et uniforme par rapport à R, et dans ce cas l'accélération de Coriolis est nulle aussi. Il s'en suit que le principe d'inertie ne peut être vrai que dans certains référentiels, appelés référentiels inertiels, ou référentiels galiléens et que ces référentiels sont tous en translation rectiligne et uniforme les uns par rapport aux autres.

En pratique, un référentiel peut être considéré comme galiléen si les prédictions des lois de la mécanique faites à partir de cette hypothèse sont conformes aux observations.

On connait un référentiel dont le caractère galiléen est quasi parfait : le référentiel de Copernic. En effet, les lois de la mécanique appliquées dans ce référentiel permettent de prévoir le mouvement des planètes du système solaire avec une précision aussi bonne que celle des observations, sur une échelle de temps de plusieurs dizaines d'années.

Le référentiel géocentrique n'est pas en translation rectiligne et uniforme par rapport au référentiel de Copernic et le référentiel terrestre n'est même pas en translation. Pourtant, sous certaines conditions que nous allons préciser, ces deux référentiels réalisent approximativement le concept de référentiel galiléen.

Newton pensait que le référentiel de Copernic avait un statut privilégié parmi tous les référentiels galiléens car il définissait un espace absolu. Aujourd'hui, cette notion d'espace absolu est obsolète. Tous les référentiels galiléens sont considérés comme parfaitement équivalents. Il n'existe pas d'espace absolu, seulement des espaces attachés à des référentiels.

Par ailleurs, on sait aujourd'hui que le référentiel de Copernic n'occupe pas de place privilégiée dans l'univers, puisque le système solaire décrit un mouvement gravitationnel autour du centre de la Galaxie, qui elle-même est en mouvement par rapport aux galaxies voisines. Comment alors expliquer qu'il nous apparaisse comme galiléen, alors que les référentiels galiléens ne forment en théorie qu'une classe très restreinte parmi tous les référentiels possibles ?

1.b. Principe fondamental

Cette loi permet d'exprimer, dans un référentiel galiléen, l'accélération d'un point matériel (noté M) soumis à l'action d'autres corps.

maM/R=F1+F2+(2)

L'action des autres corps se traduit par la présence de forces, qui peuvent être représentées par des vecteurs. La masse m est la masse d'inertie. Pour une force totale donnée, l'accélération est d'autant plus faible que la masse est grande. La masse est une grandeur extensive, c'est-à-dire que la masse d'un corps est la somme des masses des parties de ce corps.

Lorsque les forces peuvent être explicitées en fonction de la position et de la vitesse du point M dans le réferentiel, on obtient une équation différentielle du second ordre appelée équation du mouvement :

m(d2OMdt2)R=F1+F2+(3)

Lorsque les forces sont connues, la solution de cette équation différentielle est déterminée par la donnée de la position du point et de sa vitesse à un instant quelconque (souvent l'instant zéro par convention). Pour cette raison, la mécanique classique est dite déterministe.

1.c. Principe de relativité de Galilée

Galilée a imaginé l'expérience suivante : dans la soute d'un navire en mouvement rectiligne et à vitesse constante sur une mer parfaitement calme, une expérience de mécanique conduite dans les mêmes conditions que sur la terre ferme (par exemple le lancer d'un boulet) conduit exactement aux mêmes résultats. Cela signifie que l'observateur situé dans la soute ne peut déceler le mouvement du navire par rapport à la terre par une expérience de mécanique.

La formulation moderne de cette idée est le principe de relativité de Galilée : l'équation différentielle du mouvement d'un point matériel est invariante par changement de référentiel galiléen, c'est-à-dire lorsqu'on passe d'un référentiel R à un référentiel R' en translation rectiligne uniforme par rapport à R.

L'accélération d'un point matériel est invariante par changement de référentiel galiléen. Il en est de même de la masse et du temps. On en déduit que les forces doivent aussi posséder cette invariance. D'une manière générale, la force entre deux points matériels (ou entre deux corps) dépend de leur position relative et de leur vitesse relative. Ainsi la force exercée par le point Mi sur le point Mj s'écrit :

Fij=f(rj-ri,vj-vi)(4)

La position relative et la vitesse relative sont invariantes par changement de référentiel galiléen, donc si la force ne dépend que de ces deux vecteurs, elle est elle-même invariante.

Toutes les forces connues (force de gravité, force électromagnétique, forces de frottement, etc.) ont une expression qui vérifie cette propriété d'invariance.

1.d. Forces de gravité

Comme nous allons le voir, les forces de gravité jouent un rôle important dans certains problèmes de changement de référentiel. Le champ de gravité créé par une masse sphérique centrée au point O s'exprime en coordonnées sphériques :

g=-Gm0r2ur(5)

La constante universelle de gravitation est G=6,67⋅10-11 m3⋅kg-1⋅s-2. m0 est la masse du corps sphérique. Cette expression s'applique par exemple à la Terre, qui est approximativement sphérique.

La force de gravité s'exercant sur un point matériel situé à une distance r du centre est :

F=mgg(6)

La masse mg est la masse gravitationnelle. C'est une grandeur extensive (proportionnelle à la quantité de matière), toujours positive car la force est toujours attractive.

On dit qu'un champ vectoriel est uniforme lorsque le vecteur a la même direction et la même norme en tout point de l'espace. Considéré globalement, le champ gravitationnel d'un corps sphérique n'est pas du tout uniforme. Considéré localement, c'est-à-dire dans une région de l'espace assez petite, le champ est approximativement uniforme. Si l'on se place à une distance r du centre attracteur, il suffit de considérer une région (disons une sphère) dont le diamètre d vérifie :

dr(7)

Par exemple à la surface de la Terre, de rayon environ 6000km, une zone de 1km de large vérifie très bien cette condition. Bien sûr, il s'agit d'une approximation et la taille maximale de la zone dépend de la précision de l'expérience réalisée.

L'équation du mouvement d'une masse ponctuelle soumise seulement à un champ gravitationnel s'écrit (dans un référentiel galiléen) :

maM/R=mgg(8)

m est la masse inertielle et mg la masse gravitationnelle. On sait que l'accélération d'un corps soumis uniquement à la gravité ne dépend pas de sa masse. Par exemple, comme l'avait énoncé Galilée, une plume et un boulet lâchés simultanément dans un tube vide d'air arrivent sur le sol en même temps. Cela signifie que le rapport des deux masses est une constante universelle, qui est choisie égale à 1 par convention. En d'autres termes, la masse inertielle et la masse gravitationnelle sont égales. Cette propriété a été vérifiée expérimentalement avec une précision de 10-11. Elle est considérée aujourd'hui comme un principe physique fondamental (principe d'équivalence).

2. Référentiel non galiléen en translation

2.a. Force d'inertie d'entraînement

Soit R un référentiel galiléen et R' un référentiel dont le mouvement par rapport à R n'est pas un mouvement rectiligne uniforme. Le référentiel R' n'est pas galiléen. On cherche à établir une méthode permettant d'écrire l'équation du mouvement d'un point matériel directement dans le référentiel R'. Cette situation est très courante. Par exemple, le référentiel de Copernic étant une excellente réalisation d'un référentiel galiléen, on peut être amené à se placer dans le référentiel géocentrique, en translation par rapport au premier, pour étudier par exemple le mouvement des satellites artificiels.

On commence par écrire l'équation du mouvement dans le référentiel galiléen, en utilisant la composition des accélérations :

m(ae+aM/R')=F(9)

L'accélération d'entraînement ae est indépendante de la position du point matériel : c'est l'accélération d'un point quelconque lié au référentiel R'. Par exemple dans le cas du référentiel géocentrique, c'est l'accélération du centre de la Terre dans le référentiel de Copernic.

Le produit de la masse par l'accélération dans R' s'écrit donc :

maM/R'=F-mae(10)

Pour écrire l'équation du mouvement dans un référentiel en mouvement de translation par rapport à un référentiel galiléen, il faut ajouter une force appelée force d'inertie d'entraînement :

fie=-mae(11)

Comme l'accélération d'entraînement est indépendante de la position du point M, la force d'inertie est similaire à une force de gravité dans un champ uniforme ge=-ae (en raison de l'équivalence des masses). Pour un observateur lié à R', la force d'inertie a exactement les propriétés d'une force de gravitation dans un champ uniforme, mais qui peut dépendre du temps.

Considérons comme exemple une voiture de déplaçant en ligne droite par rapport au référentiel terrestre. Le référentiel terrestre est supposé galiléen (on verra plus loin la validité de cette approximation). L'accélération d'entraînement est simplement l'accélération du véhicule. Par exemple si le véhicule est en freinage (figure ci-dessous), il y a une accélération d'entraînement dirigée vers l'arrière, qui conduit à une force d'inertie dirigée vers l'avant. C'est cette force d'inertie que l'on ressent dans un véhicule en cours de freinage. En cas de freinage très fort, la ceinture de sécurité est là pour compenser cette force; c'est d'ailleurs la force exercée par la ceinture que l'on ressent. Physiquement, il s'agit d'une conséquence du principe d'inertie : le passager doit subir une force vers l'arrière (appliquée par la ceinture) pour être freiné comme le véhicule.

freinageVoiture.svgFigure pleine page

Les forces d'inertie sont qualifiées de pseudo-forces car elles ne sont pas invariantes par changement de référentiel, contrairement aux autres forces. Cependant, pour un observateur lié au référentiel non galiléen, elles sont indiscernables des autres forces. Par exemple pour l'occupant de la voiture en freinage (ou pour un appareil de mesure fixé dans la voiture), la force d'inertie est absolument indiscernable d'une force de gravitation qui serait exercée par une masse.

2.b. Principe de l'accéléromètre

Un véhicule est accéléré par rapport au référentiel terrestre, qui est supposé galiléen. Considérons une masse ponctuelle à l'équilibre dans le référentiel du véhicule et isolons la force de pesanteur (champ uniforme) :

0=f+m(g-ae)(12)

Dans le référentiel du véhicule, il y donc un champ de pesanteur apparent :

g'=g-ae(13)

L'accéléromètre est un disposif permettant de mesurer ce champ. Il mesure en fait la composante selon un axe lié au référentiel R'. Soit O'x' un tel axe. L'accéléromètre est constitué d'un élément élastique qui se déforme dans la direction x'. Il peut être modélisé par une masse m retenue par un ressort et se déplaçant le long de cet axe.

accelerometre.svgFigure pleine page

Si K est le coefficient de raideur du ressort, la condition d'équilibre s'écrit :

0=-KX'+m(g-ae)ux'(14)

La mesure de la déformation X' du ressort à l'équilibre permet donc d'accéder à la composante sur cet axe du champ de pesanteur apparent. Une force de frottement fluide doit être ajoutée, assez intense pour que l'équilibre soit atteint sans oscillations. Les différents paramètres (masse, coefficients de raideur et de frottement) doivent être choisis afin d'obtenir un temps de réponse faible, adapté aux variations d'accélérations que l'on souhaite mesurer.

La valeur fournie par un accéléromètre d'axe X est en principe (ae-g)ux , c.a.d. l'opposée de la composante sur cet axe du champ de pesanteur apparent. De cette manière, l'accélération est positive si l'accéléromètre est accéléré dans le sens de l'axe. Cependant, il s'agit d'une simple de convention de signe (que nous adoptons) et dans une application où on s'interesse au champ de pesanteur terrestre on préférera la convention opposée.

Pour étudier le fonctionnement de l'accéléromètre lorsque l'accélération varie au cours du temps, il faut considérer l'équation différentielle du mouvement de la masse. L'animation accéléromètre à ressort permet de faire varier l'accélération et de voir l'effet de la période propre du pendule et du frottement. On peut voir que l'accéléromètre ne peut indiquer instantanément la valeur de l'accélération : il a un temps de réponse qui dépend de la masse et du coefficient de frottement.

En disposant trois accéléromètres sur trois axes perpendiculaires, on peut obtenir les trois composantes de ce champ. Il faut noter que l'accéléromètre ne permet pas d'accéder directement à l'accélération du véhicule, contrairement à ce que son nom suggère (il s'agit en fait d'un gravitomètre). Les accéléromètres embarqués dans les téléphones portables sont en fait utilisés pour déterminer la direction du champ de pesanteur terrestre par rapport à l'appareil (l'accélération d'entraînement est la plupart du temps négligeable).

2.c. Référentiel en chute libre : impesanteur

Considérons l'expérience de pensée suivante, qui a été imaginée par Einstein pour expliquer le principe de relativité générale. Une cabine d'ascenseur dont les câbles sont coupés tombe sous l'effet du champ de pesanteur terrestre. On suppose que les frottements de l'air sur la cabine sont négligeables. La cabine constitue un référentiel en mouvement de translation par rapport au référentiel terrestre (galiléen), avec une accélération :

ae=g(15)

g est le champ de pesanteur terrestre au centre de masse de la cabine.

chuteLibre.svgFigure pleine page

Pour un observateur situé dans l'ascenseur, l'équation du mouvement d'un point matériel s'écrit donc :

maM/R'=f-mae+mg(M)(16)

Le vecteur f est la somme de toutes les forces autres que gravitationnelle (nulle pour un objet flottant dans la cabine). Le vecteur g(M) est le champ de pesanteur à la position du point matériel. Dans la mesure où le point matériel se trouve dans la cabine, ce champ de pesanteur est très proche de g , car la taille de la cabine est négligeable devant le rayon de la Terre. L'équation du mouvement de ce point matériel dans le référentiel de la cabine s'écrit donc :

maM/R'=f(17)

Cela signifie que la pesanteur n'existe pas pour l'observateur de l'ascenseur. Le champ de pesanteur terrestre est compensé par la force d'inertie. On dit qu'il y a dans ce référentiel un état d'impesanteur.

Expérience de laboratoire mettant en évidence l'état d'impesanteur.

En principe, le référentiel de l'ascenseur n'est pas galiléen, puisqu'il est accéléré par rapport au référentiel galiléen terrestre. C'est du moins ce que peut affirmer un observateur situé hors de l'ascenseur. Plaçons-nous néanmoins du point de vue de l'observateur situé dans l'ascenseur. Pour lui, tout se passe comme s'il se trouvait dans un référentiel galiléen en l'absence de champ de gravité. Pour cet observateur, un corps non soumis à une force (f=0 ) est soit au repos, soit en mouvement rectiligne uniforme. Le point important de cette expérience de pensée est l'impossibilité pour cet observateur de voir à l'extérieur de la cabine, et donc de voir le mouvement de la cabine par rapport à la Terre. Le principe de relativité générale introduit par Einstein postule que ce type de référentiel (en chute libre dans un champ uniforme) est parfaitement équivalent à un référentiel inertiel, dans le sens où aucune expérience de physique réalisée à l'intérieur de la cabine ne permet de détecter son mouvement par rapport au sol. L'occupant de la cabine ne commet donc pas d'erreur (d'un point de vue physique) en affirmant que son référentiel est galiléen, même si le point de vue d'un observateur extérieur est différent. Il arrive à cette conclusion car il ignore le mouvement de la cabine par rapport à la Terre (il ignore même l'existence de la Terre). Si en revanche il connaît ce mouvement, il en déduira que la Terre exerce une attraction gravitationnelle et que le référentiel de la Terre est probablement galiléen, ce qui l'amène à conclure que celui de la cabine ne l'est pas.

L'état d'impesanteur est obtenu dans l'avion ZeroG, qui effectue un vol comportant des phases paraboliques. Pendant une phase parabolique, la seule force qui agit sur l'avion est son poids (la portance est nulle et la poussée des réacteurs compense la traînée). Dans le référentiel du centre de masse, en translation par rapport au référentiel terrestre, le poids d'un objet est compensé par la force d'inertie, ce qui permet d'obtenir un état d'impesanteur. À l'intérieur de l'avion, cette impesanteur n'est pas parfaite car il effectue aussi une rotation pendant la phase parabolique.

2.d. Référentiel en mouvement gravitationnel

Nous allons raisonner sur le cas particulier du référentiel géocentrique (Rg) qui est en mouvement gravitationnel sous l'effet du champ solaire (on simplifie l'étude en négligeant l'influence des autres planètes et de la Lune). Par définition, il est en mouvement de translation par rapport au référentiel de Copernic (Rc), lequel est supposé galiléen. L'équation du mouvement du centre T de la Terre s'écrit :

aT/Rc=gs(T)(18)

Son accélération est égale au champ de gravité solaire au centre de la Terre. L'accélération d'entraînement dans le référentiel géocentrique est donc :

ae=gs(T)(19)

La norme de l'accélération d'entraînement est environ 610-3ms-2 .

Considérons un point matériel M de masse m dans le référentiel géocentrique. Son équation du mouvement s'écrit :

maM/Rg=f+m(gs(M)-gs(T))(20)

La force f inclut toutes les forces autres que la gravité solaire. Le champ de pesanteur apparent dans ce référentiel est donc :

ga(M)=gs(M)-gs(T)(21)

C'est le champ de gravité solaire au point M auquel on retranche celui au centre de la Terre. La figure suivante montre ces vecteurs au point M.

impesanteur.svgFigure pleine page

À grande échelle, le champ de gravité solaire est sphérique. Cependant, si le point M est assez proche du centre de la Terre, les deux champs sont presque égaux et le champ apparent est très faible. La distance Terre-Soleil étant d'environ 150 millions de km, une zone située autour de la Terre de plusieurs dizaines de milliers de km permet d'obtenir un champ apparent très faible. Ce champ apparent est maximal lorsque S, T et M sont alignés. Par exemple, si M est plus proche du Soleil que la Terre, sa norme est :

ga=Gms(1(ST-TM)2-1(ST)2)(22)

Pour TM=40000km (distance d'un satellite géostationnaire), on obtient ga310-6ms-2 , soit 2000 fois moins que l'accélération d'entraînement.

Cette force est donc très faible et peut être négligée en première approximation. Cela signifie que si la force de gravité solaire est ignorée, le référentiel géocentrique se comporte comme un référentiel galiléen.

Le référentiel géocentrique peut être considéré comme un référentiel galiléen à condition d'ignorer la gravité solaire et de considérer des objets proches du centre de la Terre (comparé à la distance Terre-Soleil). L'approximation est d'autant meilleure qu'on est proche du centre de la Terre.

Dans ce cas, le caractère galiléen est local, car il n'est valable que dans une région limitée de l'espace, mais néanmoins assez grande pour traiter les problèmes de satellites artificiels avec une bonne précision. C'est la raison pour laquelle le référentiel géocentrique est une très bonne réalisation d'un référentiel galiléen, même sur une durée de plusieurs années, bien qu'il ne soit pas du tout en translation rectiligne uniforme par rapport au référentiel de Copernic. Pour obtenir cela, il faut toutefois penser à ne pas tenir compte de la force de gravité solaire, qui est compensée par la force d'inertie, et il ne faut pas oublier que cette propriété n'est vraie que localement. Le champ apparent n'est toutefois pas tout à fait nul et constitue ce qu'on appelle une force de marée. Cette force est responsable sur Terre des marées océaniques, avec la force de marée lunaire dont l'explication est analogue.

Le même raisonnement peut être fait à propos du référentiel de Copernic, défini avec le centre de masse du système solaire (très voisin du centre du soleil) et deux étoiles lointaines. Ce référentiel est lui même en mouvement de gravitation dans la galaxie, sous l'influence des masses, lointaines mais gigantesques, que celle-ci contient. Si on considère le référentiel de Copernic en translation par rapport à un hypothétique référentiel galiléen, il suffit d'ignorer le champ de gravité galactique pour obtenir un référentiel inertiel. Cette propriété est valable localement, c'est-à-dire à l'échelle du système solaire. Compte tenu de la taille du système solaire (environ 10000 millions de km), infime comparée à celle de la galaxie (environ 100000 années lumière), le champ de gravité galactique est tout à fait uniforme à l'échelle du système solaire, et le référentiel de Copernic est une réalisation quasi parfaite d'un référentiel galiléen. C'est pour cela que les lois de Newton permettent de prévoir les mouvements planétaires avec une très bonne précision. Sur une échelle de temps très longue (plusieurs siècles), le caractère non galiléen du référentiel de Copernic pourrait en principe apparaître, mais il n'a pas encore été mise en évidence.

Considérons une station orbitale en mouvement de gravitation autour de la Terre et supposons que son orientation dans l'espace soit stabilisée pour que le référentiel qu'elle constitue soit en mouvement de translation par rapport au référentiel géocentrique. À l'échelle de la station, le champ de gravité terrestre est uniforme. On se trouve donc à l'intérieur de la station dans un référentiel galiléen, à condition d'ignorer la force de gravité terrestre. On peut aussi dire que l'on est dans un référentiel non galiléen dans lequel la force de gravité est compensée par la force d'inertie. Il est important de remarquer que le caractère inertiel du référentiel de la station est localisé dans l'espace mais que des expériences sans pesanteur sont conduites dans la station alors qu'elle effectue plusieurs fois le tour de la Terre.

3. Référentiel non galiléen en rotation uniforme

3.a. Force d'inertie d'entraînement centrifuge

Le référentiel R étant galiléen, on se place dans un référentiel R' en rotation uniforme autour d'un axe fixe. La composition des accélérations permet d'exprimer l'équation du mouvement d'un point matériel dans R' :

maM/R'=F-mae(M)-mac(23)

Comme dans le cas de la translation, la force d'inertie d'entraînement est :

fie=-mae(M)(24)

L'accélération d'entraînement est l'accélération du point coïncidant avec M et lié au référentiel tournant. Ce point décrit un cercle de rayon r dont le centre H est le projeté orthogonal de M sur l'axe de rotation. Ce cercle est contenu dans un plan perpendiculaire à l'axe de rotation.

Contrairement au cas de la translation, l'accélération d'entraînement ne constitue pas un champ uniforme : elle dépend de la distance à l'axe du point M. Plus précisément :

Force d'inertie d'entraînement pour une rotation autour d'un axe fixe :

fie=mrω2ur=mω2HM(25)

r est la distance entre le point matériel et l'axe de rotation, et ur le vecteur unitaire radial (cooordonnées cylindriques).

La force d'inertie d'entraînement est une force centrifuge (de centre H), qui pousse le point matériel vers l'extérieur.

centrifuge.svgFigure pleine page

Cette force étant dirigée vers l'axe de rotation, on devrait plutôt la nommer force axifuge.

Considérons par exemple un plateau tournant dans le référentiel terrestre, avec un axe de rotation vertical. La pesanteur apparente en un point à la distance r de l'axe est :

ga(r)=-guz+rω2ur(26)

Plus on s'éloigne de l'axe, plus le champ de pesanteur apparent s'éloigne de la direction verticale.

Dans l'expérience ci-dessous, un pendule pesant est placé sur le bord d'un plateau tournant. Ce pendule est constitué d'un bras léger en plexiglas à l'extrémité de laquelle une masselotte est vissée. À l'équilibre, la direction du pendule correspond à la direction du champ de pesanteur apparent (gravité plus centrifuge) ressentie par la masselotte. Un dispositif avec deux ressorts, semblable à l'accéléromètre décrit plus haut, est aussi placé sur le plateau. La masse retenue par les deux ressorts est déviée de sa position d'équilibre par la force d'inertie centrifuge.

plateauTournant.svgFigure pleine page

Une application est la centrifugeuse, dans laquelle des forces centrifuges très importantes peuvent être obtenues. Le tambour d'une machine à laver en situation d'essorage est un exemple de centrifugeuse. Si le tambour a un rayon r=20cm et tourne à 1200 tours par minutes, la force par unité de masse est 3000m⋅s-2, soit 300 fois le champ de pesanteur terrestre. L'eau contenue dans le linge est rapidement expulsée par les trous du tambour sous l'effet de cette force.

Un autre exemple est la centifugeuse utilisée pour entraîner les astronautes aux fortes accélérations rencontrées dans les vols spatiaux. La cabine dans lequel l'astronaute est assis est fixée au bout d'un bras de plusieurs mètres de long qui tourne autour d'un axe. Des variantes sont aussi utilisées dans les fêtes foraines.

3.b. Force d'inertie de Coriolis

La seconde force d'inertie présente dans l'équation (23) est la force d'inertie de Coriolis :

Force d'inertie de Coriolis :

fic=-2mΩvM/R'(27)

vM/R' est la vitesse du point matériel dans le référentiel en rotation par rapport au référentiel galiléen.

Contrairement à la force d'entraînement, cette force n'affecte que les objets en mouvement dans le référentiel non galiléen, puisqu'elle est proportionnelle à la vitesse dans ce référentiel.

La force de Coriolis ne travaille pas puisqu'elle est perpendiculaire à la vitesse. Elle ne peut donc modifier l'énergie cinétique d'une particule. Elle peut en revanche modifier la direction de la vitesse.

Un pendule pesant permet de mettre en évidence la force de Coriolis sur le plateau tournant. Ce pendule est constitué d'une ficelle et d'une boule en acier. Il est suspendu par un cadre solidaire du plateau. Dans un premier temps, la boule est retenue par un électroaimant. Après la mise en rotation du plateau, le courant dans l'élecroaimant est coupé, ce qui a pour effet de lâcher la boule avec une vitesse initiale nulle par rapport au plateau. L'expérience dure quelque secondes, ce qui est assez court pour supposer que le référentiel terrestre est galiléen.

plateauTournant-Coriolis.svgFigure pleine page

La trajectoire de la boule dans le référentiel terrestre (vue de dessus) est une ellipse, car elle a une vitesse initiale orthoradiale.

penduleCoriolis-1.svgFigure pleine page

Si le référentiel du plateau était galiléen, on devrait observer dans ce référentiel une oscillation dans un plan fixe. On observe en fait une rotation du plan d'oscillation, dans le sens inverse de la rotation du plateau. Pour un observateur lié au plateau, ce mouvement s'explique par la présence de la force de Coriolis. Qualitativement, on peut représenter cette force pour les deux sens de déplacement de la boule.

penduleCoriolis-2.svgFigure pleine page

La force de Coriolis dévie le plan d'oscillation, toujours vers la droite si l'on regarde dans le sens du mouvement. Cela conduit à une rotation du plan d'oscillation par rapport au plateau, dans le sens opposé à la rotation du plateau par rapport à la terre.

3.c. Le référentiel terrestre

Le référentiel terrestre est en rotation uniforme d'axe fixe par rapport au référentiel géocentrique (supposé galiléen). Sachant qu'une rotation se fait en 23 h 56 min et 4 s, on obtient sa vitesse angulaire ω=7,5⋅10-5 rad⋅s-1. La force centrifuge sur la surface de la Terre (r=6400km) est maximale à l'équateur : la force par unité de masse est 0,03m⋅s-2, ce qui est faible comparé au champ de gravité terrestre. Lorsque le champ de pesanteur est mesuré à la surface de la Terre, c'est bien sûr le champ apparent (gravité plus centrifuge) qui est obtenu, et qui définit la direction verticale du lieu.

referentielTerrestre.svgFigure pleine page

Pour les petits objets de vitesse ordinaire, la force de Coriolis a le plus souvent un effet négligeable, mais elle a un effet très important sur les mouvements de l'air à grande échelle. Pour une vitesse de l'air de 10m⋅s-1 (vent modéré), la force par unité de masse est 1,5⋅10-3 m⋅s-2, ce qui est très faible comparé au champ de pesanteur. Cette force a néanmoins un effet très important à grande échelle. Elle est responsable de la rotation de l'air autour des zones de basse ou de haute pression (le sens de rotation dépend de l'hémisphère).

L'effet de la force de Coriolis se manifeste dans l'expérience du pendule de Foucault, installé en 1851 au Panthéon pour mettre en évidence la rotation de la Terre. Un pendule de très grande taille (sphère de 28 kg accrochée au bout d'un câble de 67 m) est accroché par une liaison rotule. Il est lâché avec une vitesse initiale nulle par rapport à la Terre. Il oscille pratiquement dans un plan, mais on observe une lente rotation du plan d'oscillation. La vitesse angulaire de rotation du plan est égale à ω multipliée par le sinus de la latitude. Si le pendule est disposé au pôle terrestre, le plan décrit une rotation complète en 23 h 56 min. Cette rotation peut être expliquée par la rotation de la Terre. Dans le référentiel terrestre, on l'attribue à la force de Coriolis.

Le pendule de Foucault est une expérience réalisée sur Terre qui permet de mettre en évidence la rotation de la Terre par rapport à un référentiel inertiel. Rappelons qu'il est impossible par une expérience réalisée sur Terre de mettre en évidence un mouvement de translation rectiligne et uniforme par rapport à un référentiel inertiel.

On peut conduire une analyse simplifiée du pendule de Foucault dans le référentiel terrestre. Comme le mouvement de la masse est pratiquement horizontal, seule la composante verticale du vecteur vitesse angulaire de la Terre intervient dans la force de Coriolis; elle s'exprime en fonction de la latitude du lieu par :

ωz=ωsinφ(28)

Dans l'hémisphère nord, cette composante est ascendante. Si on observe le pendule par dessus (en regardant dans la direction de z décroissant), la force de Coriolis est orientée vers la droite si on regarde dans le sens de la vitesse. Elle conduit donc à une rotation du plan d'oscillation dans le sens horaire (c'est l'inverse dans l'hémisphère sud).

La plupart des expériences de mécanique effectuées sur Terre ont une durée assez courte pour que les effets de la force de Coriolis puissent être négligés. On a vu plus haut que la force d'entraînement est automatiquement prise en compte dans le champ de pesanteur local. On en déduit que le référentiel terrestre est localement galiléen (localement au sens spatial et temporel) pour ces applications. On peut donc l'utiliser en tant que référentiel galiléen pour des mouvements de petite échelle et ne durant pas trop longtemps, la limite étant déterminée par la précision que l'on souhaite obtenir (souvent déterminée par la précision des appareils de mesure).

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